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RESTRICA

Depuis quelques mois, j’ai eu l’occasion d’évoquer sur les réseaux sociaux le projet RESTRICA, portraits de chercheurs en exil, mené à l’Université de Nanterre et au Collège de France, sans pouvoir montrer de résultat, pour des raisons de confidentialité. C’est pourquoi j’ai profité d’une session le 17 mai 2019 pour réaliser un autoportrait(*) avec la complicité de Pascale Laborier, initiatrice du projet. Retour sur ce qu’est RESTRICA. 

en juin 2018, Pascale Laborier m’a demandé d’imaginer un projet de portraits de chercheurs en exil, qui s’inscrirait dans le projet de recherche LIBERADE (Liberté de la Recherche pour les Académiques en Danger et Émigrés), dont elle a la responsabilité.

L’idée était de donner aux personnes concernées par cette situation une voix et un regard, de les rendre visibles dans leur invisibilité. Penser cette série de portraits reposait sur une interrogation simple, qui n’admet de réponse ni simple ni unique : qu’est-ce qu’un portrait qui chercherait à signifier l’exil ? Comment engager ce dialogue entre universitaire et photographe, entre ce qui peut être visible et ce qui doit être invisible ?

Redonner une visibilité supposait de réunir plusieurs conditions. 

1/ Visibilité

Il a été tout de suite évident qu’il fallait partir du visage pleinement éclairé, et qu’il n’était possible de le cacher que par addition, plus ou moins selon la situation de la personne. La solution la plus juste pour recouvrir un visage sans rien enlever à la personne, c’était de lui demander de choisir des éléments (photos, objets) qui lui appartiennent, qui la définissent. En jouant de ce recouvrement et éventuellement du mouvement du sujet, il devenait possible d’aller jusqu’à rendre impossible l’identification de la personne, tout en affirmant ce qu’elle est.

2/ Processus de travail

Le processus de travail excluait d’emblée l’idée du photomontage, qui aurait supposé que je décide moi-même et a posteriori de ce qui fait sens ou pas. Le seul chemin possible était de tout construire ensemble sur place, mettre le photographe et son sujet sur un pied d’égalité en ce qui concerne les propositions. Créer un précipité agrégeant, dans le présent de la session photo, les différentes temporalités de l’exil. Cela crée également un rapport particulier au temps : la prise de vue de plusieurs secondes, nécessaire pour créer les conditions de la superposition, laisse entrer la possibilité du mouvement, et donc d’une forme d’indéfinition, qui contrecarre à la fois la perfection de l’image numérique et la tentation de figer un état. Chaque photo tente de saisir l’impossibilité de l’image fixe, une impossible netteté.

RESTRICA, Making-of...

3/ Résultat

D’une certaine manière, la proposition crée un ensemble, processus et résultat, très artisanal. Et nous choisissons avec les personnes photographiées la meilleure parmi toutes les photos imparfaites : ce choix est toujours un moment fort, où photographe et sujet découvrent ensemble tous les hasards et accidents heureux qui parcourent l’image, cette somme d’éléments que j’aurai été bien incapable d’imaginer tout seul.

Une séance RESTRICA résumée en 30 secondes…

(*) est-ce que dans le cas d’un photographe saisi dans le dispositif qu’il a conçu, mais avec l’intervention d’un tiers, il s’agit encore d’un autoportrait ? Vraie question. Mais le mérite de la photo revient à la personne qui l’a réalisée. Merci à elle.

RESTRICA est un projet géré par l’Institut des Sciences du Politique (ISP) de l’Université Paris-Nanterre, financé par la COMUE Paris Lumières et soutenu par le programme PAUSE.

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