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Alternativa popolare

Ça devait s’appeler « la marche sur Rome ». Parce que je marchais vers Rome au moment où le gouvernement de la Lega se formait, et que ce titre était aussi clair que l’intention : la référence à la montée du fascisme, confrontée à des figures de résistance.

Mais comme souvent (toujours ?) dans un projet de création, une trop grande limpidité a priori traduit assez vite une immaturité du projet. Fort heureusement la réalité se charge en général assez vite de faire dérailler une intention trop bien campée sur son axe. C’est à ce moment-là que le projet révèle son potentiel… ou perd toute pertinence.

Les discussions avec les amis romains, les atermoiements et retournements de situation vécus en direct, vivre sur place le décalage des commentaires politiques et médiatiques de l’extérieur, voilà qui perturbe positivement le travail, et oblige à un regard critique dépassant le manichéisme. En se débarrassant des inévitables poncifs dictés par la bonne conscience, l’analyse de l’extrême-droite n’en est que plus tranchante.

Alternativa popolare repose sur un principe simple : une juxtaposition de lieux emblématiques et de personnalités de différentes époques qui le sont tout autant. le choix des personnes, évoquant silencieusement les forces de résistance passées, rappellent la persistance de l’histoire en ces temps d’amnésie, et l’absence de fatalité.

1/7 Unità : Camillo Benso di Cavour

Unità

Unità

Au moment où le Président de la République Italienne se voyait contesté dans ses prérogatives constitutionnelles, la figure de Cavour m’est apparue comme un symbole évident se superposant au Palazzo del Quirinale.

2/7 L’ultimo discorso : Giacomo Matteotti

L'Ultimo discorso

L’Ultimo discorso

Au moment où je posais sur le Palazzo Montecitorio le visage du député Giacomo Matteotti, assassiné par les fascistes pour sa volonté de dénoncer la corruption, la place était envahie par les cris d’un homme, hurlant de longues minutes sa colère contre ce « parlamento di ladri » (parlement de voleurs). L’homme, militant communiste dont le grand âge contrastait avec la jeunesse vivace de sa colère, portait sur le torse un badge à l’effigie d’Enrico Berlinguer, sujet d’une prochaine photo…

 

3/7 CARCERE : ANTONIO GRAMSCI

Carcere

Carcere

La figure d’Antonio Gramsci était évidente : c’est cette fois le lieu à superposer qui posait question. La prison Regina Coeli, point de départ de son incarcération, s’est imposée pour deux raisons principales : d’abord parce qu’elle est toujours en activité et qu’il était salutaire de faire à nouveau planer le souvenir des arrestations arbitraires et des procès politiques. Ensuite parce que ça remet à sa juste place la figure de Gramsci, au-delà des récupérations insensées dont il fait l’objet.

4/7 COMPAGNA : CAMILLA RAVERA

Compagna

La Compagna

Moins connue que Gramsci qu’elle a remplacé après son arrestation, avant que d’être emprisonnée à son tour, Camilla Ravera représente pourtant à elle seule un pan de l’histoire italienne : féministe (elle a notamment fondé le journal La Compagna), co-fondatrice du Parti Communiste Italien, opposante au fascisme et en même temps capable de s’opposer à son propre parti, … Première femme nommée Sénatrice à vie par le Président de la République, le choix du Sénat pour poser son visage paraissait évident. D’autant plus, quand on sait que le bâtiment abritant le Sénat italien porte le nom de Palais Madame.

5/7 COMPROMESSO STORICO : ENRICO BERLINGUER

Compromesso Storico

Compromesso Storico

La coalition du Mouvement 5 étoiles et de la Lega a donné lieu en France à des commentaires parfois surréalistes, baignés de culture présidentialiste et de rejet du parlementarisme. Comme si l’idée de coalition impliquait que les partis concernés soient d’accord sur tout ou, au contraire, que ce soit une alliance de la carpe et du lapin. Rien de tout ça n’est complètement vrai (ni faux) et les raisons de s’inquiéter, bien réelles, sont ailleurs. Pour garder de (maigres) raisons d’espérer, il faut se rappeler du projet de compromesso storico (compromis historique) envisagé au milieu des années 70 par les communistes et la démocratie chrétienne. Impulsée par Enrico Berlinguer, cette coalition aurait pu constituer , à travers l’alliance forte et inédite entre deux forces politiques à la fois dominantes et antinomiques, une promesse d’unité nationale. Les raisons de l’échec de ce compromis historique et le sang versé n’ont, une fois de plus, pas grand-chose avec le régime parlementaire.

6/7 BORGHETTO PRENESTINO : PIER PAOLO PASOLINI

Borghetto Prenestino

Borghetto Prenestino

La trace de Pier Paolo Pasolini sur le parc qui porte son nom est moins une redondance qu’une volonté de faire ressurgir l’histoire de cette étendue coincée entre la viale della Venezia Giulia et la gare de Prenestina. Car Pasolini, qui vivait dans ce quartier, fréquentait le village de cabanes et y trouvait même des comédiens pour ses films. Après la démolition du bidonville en 1980, l’espace est resté à l’abandon jusqu’à sa transformation en parc en 2005. La mémoire des lieux est-elle si tenace que le parc soit retombé en moins de 15 ans dans une forme d’abandon ? Toujours est-il que l’ombre portée du bidonville plane indubitablement sur le parc : témoin cet homme avec ses deux gros chiens, me demandant avec une curiosité à la fois bourrue et hilare ce que je faisais là.  Son éclat de rire à la vue de la photo imprimée de Pasolini (« È un terrorista » me dit-il) puis sa curiosité intriguée devant mes explications dans un italien approximatif l’ont amené à se dévoiler : il m’a montré du doigt l’endroit où se situait la baraque dans laquelle il a grandi avec ses parents. Le quartier de Prenestina n’est plus aujourd’hui à proprement parler un quartier périphérique (il est dans la continuité du très hype quartier de Pigneto) ; il reste néanmoins, malgré Pasolini, assez mal connu. On notera ironiquement que si la balade de Nanni Moretti dans Cario Diario se termine au parco Pasolini, ce n’est pas celui de Prenestina où il a vécu mais celui de Lido di Ostia, où il a été assassiné.

7/7 GIROTONDI : NANNI MORETTI

Girotondi

Girotondi

Tourner en rond. Tourner en rond pour avancer, l’idée était audacieuse. Les Girotondi, mouvement de protestation citoyen et pacifique, entendait résister au gouvernement populiste et autoritaire qui a fait le lit du gouvernement actuel. Mais résister ensemble suppose de pouvoir affronter en face les divergences internes, en prenant le risque de la réprobation au lieu d’assurer une popularité acquise. C’est ce qu’a fait Nanni Moretti en critiquant violemment les dirigeants de L’Ulivo, coalition de centre-gauche fondée par Romano Prodi. La Piazza Navona résonne encore du cri désespéré du cinéaste : « con questi dirigenti non vinceremo mai » (avec de tels dirigeants, nous ne l’emporterons jamais). C’est moins de deux semaines après ce discours que Moretti a pris l’initiative d’organiser une ronde autour du palais de justice, en remettant les citoyens au centre du processus. Le choix de la figure de Michele Apicella, alter ego fictionnel de Moretti dans Palombella Rossa, s’imposait de lui-même : ce député communiste frappé d’amnésie et qui cherche à retrouver sa mémoire et son identité est une allégorie tenace du mouvement de gauche italien dans son ensemble.

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